Méditation pour 6ème dimanche ordinaire B
« Laisse-toi toucher par le Christ... »
« Que vos mains sont bien chaudes, moi qui aie toujours froid, ça me fait tant de bien de les tenir » disait une personne âgée, qui ne voulait plus lâcher mes mains. Ce n’était pas tant la chaleur qu’elle recherchait, mais bien le contact, de me dire autrement : « cela fait si longtemps que l’on n’a pas été aussi proche de moi. » Toucher la personne, c’est un geste qui relie. En ces temps de pandémie, le toucher est devenu interdit, et c'est bien cela qui manque et fait souffrir les malades, les personnes âgées, même les petits-enfants... Certaines personnes, ont osé toucher, car elles n’y tenaient plus, même une maman m'a confié qu'elle a bravé le fait de l'interdit, car elle se disait : et si je meurs je n'aurais même pas eu la joie de serrer encore une fois mes petits-enfants. C'est horrible ce qui arrive ! Toucher et se laisser toucher, des gestes qu’il faut parfois oser, des gestes à inventer ou à réinventer, car ce sont des gestes qui font vivre et ces gestes-là sont familiers chez Jésus.
La lèpre, comme tout le monde le sait est une maladie très contagieuse, une maladie qui condamnait le malade à l’exclusion, à vivre à l’écart de toute vie, un malade que l’on ne devait absolument pas toucher. De très loin, lorsqu’une personne approchait, le lépreux devait crier : « Impur, Impur ! » Pour les Juifs, une telle maladie était forcément une punition de Dieu. Nous le savons, la maladie isole, la maladie nous travaille et nous fait douter. Et très logiquement, on se met à poser des questions : « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? » … « Où est-il ce Dieu qui permet une telle épreuve ? » … « Ce n’est pas juste ! » Notre lèpre actuelle s'appelle Coronavirus et il se voit de loin, puisque le port du masque le signale et lorsqu'on voit quelqu'un sans masque, c’est nous qui crions : Mets ton masque !
C’est à un face à face que nous assistons entre Jésus et un lépreux. Ce lépreux qui ose s’approcher, qui brave tous les interdits, tombe à genoux et supplie Jésus : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » C’est la première fois qu’un lépreux approche Jésus, et Jésus est pris de pitié, il est pris de compassion. Comme pour le jeune homme riche où Jésus se mit à l’aimer, comme pour son ami Lazare où Jésus se met à pleurer, voilà que Dieu est pris de pitié, étend sa main et touche le lépreux, il se fait tout proche de l’homme agenouillé devant lui.
Un moment fort, car Jésus dit au lépreux : « Je le veux, sois purifié, toi qui as mis ta confiance en moi, toi qui crois que je peux ce que je veux ! » Le geste de Jésus est fort, il fait tomber le mur de l’interdit. Jésus, ne donne pas seulement une leçon à ses contemporains qui avaient peur de la maladie et de la contagion, Jésus affirme surtout par ce geste, la totale dignité de tout homme. Ce lépreux, Jésus le replace dans le monde, il le ressuscite en quelque sorte, car il revient vers cette vie qui lui était interdite. De malade, il le fait redevenir une personne.
Oser toucher, c’est abattre le mur, qui sépare, c’est franchir le pas vers l’autre. Comme écouter, toucher veut dire aimer. Oser passer la main dans les cheveux d’un malade, oser lui serrer la main, oser ce contact, c’est lui dire « tu peux compter sur moi, je suis là, avec toi ! » Bien sûr qu’on demande au personnel soignant de travailler avec des gants, bien sûr que maintenant il faut aussi un masque.
Jésus lui aussi touche, et en touchant, dit toute la tendresse de Dieu. Il pourrait guérir sans toucher, mais l’amour aussi passe par des mains, des bras qui étreignent. Jésus n’est pas simplement un faiseur de miracle, c’est avant tout l’homme atteint qui compte pour lui. Ce lépreux se laisse toucher, prouvant la puissance, le désir de Dieu, de nous guérir.
La lèpre ou les lèpres d’aujourd’hui, le cancer, le Covid-19 nous séparent des autres. Lorsque le lépreux fut guéri, il s’est mis à proclamer la nouvelle partout. Pour guérir, il faut beaucoup d’amour, de patience, de présence et de toucher. C’est la force de l’amour qui réunira un jour nos cœurs et nos mains, mais pour l’instant du gel, un masque n’empêcheront personne de dire qu'on l'aime à celui qui est malade. Laissons-nous contaminer par l’amour, car n’est-ce pas le seul remède qui peut nous guérir de notre peur d’aider et d'aimer ?
Amen